Fontarabie est situé en limite exacte avec la commune de Saint-Pal-de-Mons. Nous appelons ce lieu Fontarabiá [ fũntaʁa’bjɔ ] dans notre parler de langue d’òc, et il s’agit effectivement d’une formation typiquement occitane. Il est construit sur deux éléments latins, d’une part fonte « source, eau sortant de terre », et d’autre part l’adjectif rapidu/rapida « impétueux / impétueuse ».
En langue occitane, l’évolution régulière de rapidu donne rabi et le féminin rapida donne ràbia (1). Dans d’autres terres occitanes, on parle ainsi d’aiga ràbia pour un courant impétueux ; le nom rabi est donné à des cours d’eau caractérisés par un courant fort, à des torrents. En espagnol, rabión désigne la partie d’un cours d’eau où le courant devient rapide. La forme première aurait donc été font ràbia, puis fontarràbia (2). Cependant, le passage à la forme actuelle fontarabiá est difficile à expliquer (3).
Pour compléter, on indiquera qu’on s’attend à trouver la forme « rade » en zone de langue française, candidate à une évolution régulière de rapidu et rapida (4), or il se trouve que « rade » existe effectivement avec le sens de « torrentueux, impétueux », on pourra citer en particulier l’ouvrage Französisches Etymologisches Wörterbuch (t. 10, page 66a) (5).
Le terrier de Saint-Didier-de-Joyeuse indiquerait « Fontaneyres, à présent Font-Arabie » en 1584, ce qui laisse penser que deux appellations ont pu être en concurrence, fontanèira « source sombre » et fontarràbia,
Une visite sur les lieux ne fait que confirmer cette origine. A l’endroit précis dénommé Fontarabie se trouve un ruisseau qui sort avec un débit important après un passage enterré ; l’eau gagne en vitesse en raison de la pente, et rejoint la Semène en dessous de Prège.
Ajoutons qu’une particularité du lieu est qu’il est situé sur le passage d’une ancienne voie appelée l’estraa, terme qui signifiait « route, grand chemin » (latin strata). Ce chemin peut éventuellement dater d’une période antique, mais ce nom ne suffit pas à attester une telle ancienneté car il aurait pu être attribué à une voie créée bien après la romanisation. Cette même voie est encore appelée de nos jours la Route du vin, ce qui nous rappelle qu'elle constituait un axe majeur vers la vallée du Rhône. C'est aujourd’hui un chemin rural parmi d’autres.
(1)
P intervocalique devient et reste B. D intervocalique en
dernière syllabe d’un proparoxyton disparait.
(2)
L’ajout d’un A devant R en début de mot n’est
pas atypique pour l’est du Velay, on le rencontre assez souvent
(ex. arrufe pour rufe « rugueux)
(3)
Un déplacement d’accent comme -àbia vers -abiá
est atypique, je fais l’hypothèse que c’est une
reconstruction occitane à partir de la forme francisée
devenue socialement dominante : occ. Fontarràbia > fr.
Fontarabie > occ. Fontarabiá
(4) Tout comme
tepidu a donné tèbi en occitan, « tiède »
en français, tiedo en franco-provençal
(5)
Französisches Etymologisches Wörterbuch : il
s’agit du principal dictionnaire étymologique de
référence pour les langues romanes parlées sur
le territoire de la France, c’est-à-dire le français,
l’occitan, le francoprovençal. L’édition
originale, par Walther von Wartburg, est en allemand. Elle est
confiée depuis 1993 au CNRS (Nancy). C’est un ouvrage
d’une ampleur exceptionnelle qui comprend 25 volumes et au
total 17 000 pages.
Auteur: Didier Grange - 2020,2021,2022,2023
Santa-Segolena: 'Sainte-Sigolène '
La meira : ‘La grand mere’, ‘le meyrat’
La malautèira : ‘La malouteyre’
Pra(t) de l’òia : ‘Pré de Loye’
Pueibrau : ‘Pébrau’, ‘Peybraud’
Pont soteira(n) : ‘Pont souteyrat’
Lo vial, la viala : ‘la vialle’
Las sèrvias : ‘Les servies’, ‘la servia’
Licha-Mealha: ‘Lichemiaille’, 'Lichemaille'
Peirelaa, Peiralaa : ‘Peyrelas’