O > W, Ụ > Ẉ, I > Y, E > YZ > Y
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R I |
R II |
R III |
R IV |
forme écrite |
rŏta « roue » |
ròda > ròdza |
ròdza |
ròạ |
rwạ |
roá |
nodare « nouer » |
nodzare |
nodzar |
nar |
nwar > nwa |
noar |
vita « vie » |
vida > vidza |
vidza |
viạ |
vyạ |
viá |
feta |
feda > fedza |
fedza |
feạ |
fyzạ > fyạ |
feá |
sudĭa « suie » |
sudya > sudha > sudzha |
sudzha |
s |
sh |
suá |
Il y a une exception, mia [ 'mijɔ ] « amie, mie »
L'Yssingelais distingue deux variantes de Y, dont l'une est YZ. Cette consonne a été relevée aussi bien par Pierre Nauton que par Théodore De-Felice. Aujourd’hui, à Sainte-Sigolène, YZ s’est confondu avec Y suivant l'évolution EA > YZA > YA, parallèle à IA > YA, c’est-à-dire [ ja ] ou [ jɔ ] suivant que A est intérieur ou final : feá [ fjɔ ] « brebis », beata [ 'bjat(ɔ) ] « béate », meal [ mja ] « miel », mosteala [ mu:'tjal(ɔ) ] « belette », manteaus [ m'tjau ] « manteaux », aneaus [ a'njau ] « anneaux », augeaus [ u'dzjau ] « oiseaux », chapeaus [ tsa'pjau ] « chapeaux », ...
Cependant, la confusion entre Y et YZ n’est pas totale, car dans le cas de EA, la consonne qui précède n’est jamais palatalisée; ainsi seá « soie » est prononcé [ sjɔ ] tandis que siá « soit » est prononcé [ ∫jɔ ], ce qui veut dire que YZ distinct de Y a bien existé à Sainte-Sigolène, il n’a pas palatalisé les consonnes, ou il s’agit d’une génération différente de palatalisation.
Autres exemples : La Seauva [ la'sjauv(ɔ) ], ceal [ sja ] « ciel », esteala « étoile », rasteaus « rateaux », ….
Dans notre patois, EA a évolué régulièrement en YZ A~YA : feá, beal « bief », ... avec des exceptions comme clea qui est devenu clèia [ ’klɛj(ɔ) ] ou cleiá [ kli’jɔ ]. Je pense que dans ce cas, E pouvait difficilement devenir consonne après un groupe comme KL, ce qui donnerait un groupe difficile à articuler, la difficulté de prononciation de ÉA se résout plus facilement par ÈYA ou par EYÁ ( le passage de E à I est ensuite régulier au contact de yod ).
Analysons plus avant l'évolution de EA en prenant maintenant l'exemple du verbe batear « baptiser » qui est employé à Sainte-Sigolène sous la forme bateiar [ bati’ja] .
batear aurait du donner localement [ ba’tja ] au lieu de [ bati’ja ] suivant la règle EA > YA que nous avons postulée ci-dessus. Cependant, je ne pense pas que le cas de bateiar infirme cette règle générale, laquelle est par ailleurs également attestée par UA > ẈA pour suá [ ∫ɥɔ ] « suie », issu de sudia > sudha (suja en Velay-Ouest)
Dans le cas de bateiar sigolénois, on peut imaginer que l’infinitif est reconstitué à partir des formes conjuguées. Le scénario est alors assez facile à expliquer; une forme conjuguée comme batea « il baptise » devient régulièrement batèa (E tonique des conjugaisons est toujours È à Sainte-Sigolène comme nous le verrons dans le chapitre dédié aux conjugaisons), ÈA devient régulièrement ÈIA (voir idèia formé sur le français « idée ») ce qui produit batèia. L’infinitif est alors susceptible d’être refait en bateiar, sur le modèle des formes conjuguées. Pour terminer, rappelons que E au contact de Y est prononcé [ i ] sans palatalisation des consonnes et nous obtenons [ bati’ja ].
Prenons maintenant le cas de neiar [ ni’ja ] [ nø’ja ] « noyer » qui existe dans notre patois concurremment avec near prononcé NYA [ nja ] (near [ nja ] n’est pas nial [ ɲa ]). Indiquons que les relevés linguistiques de l’ALMC à l’est du Velay attestent aussi d’une forme near réalisée NYZA. Si nous admettons ce que nous venons de dire pour bateiar, on peut expliquer les deux formes du patois sigolénois, la forme near est le prolongement directe de near du roman II, tandis que neiar est une reconstitution de l’infinitif sur le modèle des formes conjuguées.
Dans le même registre d’évolutions, nous avons seiar « faucher » issu de secare : seiava [ si’javɔ ] « il/elle fauchait » ; seialhas « fauchaison ». Nous pouvons classer dans la même famille d’évolutions les verbes suivants : tremoleiar « trembloter », neteiar « nettoyer », paleiar « pelleter ». Ces verbes en –EIAR peuvent également être construits par analogie à des verbes français en « -oyer » ; c’est probablement le cas de neteiar dont la prononciation est [ netø’ja ] au lieu de [ nøti’ja ] attendu.
Par contre, nous avons rèia « sillon, raie », issu d’une forme supposée gauloise rĭca, qui ne suit pas l’évolution attendue, reá, mais il faut dire ici que R a tendance à retenir l’articulation des voyelles et à empêcher qu’elles deviennent consonne; donc rea pouvait devenir soit rèia [ ’ʀɛjɔ ], soit reiá [ ʀi’jɔ ], soit reia [ ’ʀijɔ ], seul rèia semble exister/rester. De la même façon, correa est devenu corrèia « courroie » ; et dans les mêmes conditions que nous avons vues pour clea, plea est devenu plèia « pli ».
On citera dans ce chapître le mot très usité en Velay et Vivarais pour dire « chose », veaa , qui est parfois ailleurs veiaa, forme qui est régulière pour les zones arpitanes, mais à Sainte-Sigolène, c’est veaa [ vja ] . Cependant, ce mot est prononcé sous cette forme dans tous le Velay, et il ne suit pas les règles phonétiques de chacun des patois (à noter que chausa est aussi employé à Sainte-Sigolène, mais plus occasionnellement).
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
* Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs