La palatalisation est une modification de l’articulation d’une consonne ou d’une voyelle quand le dos de la langue se rapproche du palais.
Le latin prononçait K pour C, mais devant E ou I, il semble qu’il avait déjà une prononciation légèrement palatalisée. Dans les langues romanes, l’évolution de ces consonnes s’est poursuivie jusqu’au 12° siècle. L’évolution initiale est identique sur tout l’espace roman [1], K > KH > TH > TSH. Elle différera surtout après le 12° siècle, elle est aujourd’hui TZ en castillan, S français, arpitan, occitan, TSH en italien.
L’évolution de GE/GI est similaire, G > GH > DH > DZH [ dȝ ]. Il reste à ce stade en occitan mais devient [ ȝ ] en français. Cette prononciation française a gagné une grande partie du domaine arpitan, mais s’arrête dans notre secteur au contact de l’occitan. Le patois de Sainte-Sigolène comme tous ceux de Haute-Loire prononcent aujourd’hui DZ [ dz ]
Nous verrons plus tard que le même processus de palatalisation de K se reproduit actuellement dans les patois d’Auvergne et du Velay où K devant I ou Ụ est prononcé TH [ tj ] (ou plus rarement [ kj ]) : aquí, quitar,
Palatalisation de CE/GE/CI/GI (occitan sigolénois) |
|||||
|
R I |
R II |
R III |
R IV |
forme écrite |
argentu « argent » |
ardzhento |
ardzhent |
ardzhent |
ardzent > ardzen |
argent |
centu « cent » |
tsento |
tsent |
sent |
sent > sen |
cent |
cima « cime » |
tsima |
tsima |
simạ |
simạ > shimạ |
cima |
cŏcere « cuire » |
còtsere > còtre > còdre > còdzre |
còdzre |
còire |
cwèire |
còire |
lucere « luire » |
luthere > lutsere > ludzere |
ldzir |
lzir |
lhzir > lhzhir > yzhí |
lusir |
Lorsque la consonne issue de la palatalisation est DH en position intervocalique, l'évolution sera différente. Nous reviendrons sur ce point dans un article prochain.
Palatalisation de CE/GE/CI/GI (cas G intervocalique, occitan sigolénois) |
|||||
|
R I |
R II |
R III |
R IV |
forme écrite |
lege « loi » |
ledhe > ledzhe |
letzh |
lei |
lei |
lei |
corrĭgĭa « courroie » |
corredzha |
corredzha |
crre |
crèy |
corrèia |
La palatalisation de D ne se produit pas devant E ou I tonique, ainsi l'occitan connaît aussi dia « jour » en double avec jorn.
Palatalisation de CE/GE/CI/GI (cas fin de mot, occitan sigolénois) |
|||||
|
R I |
R II |
R III |
R IV |
forme écrite |
crŭce « croix » |
crothe > crotshe > crodzhe |
crots |
crots > crts |
crs > cr |
crotz |
prĕtiu « prix » |
prètho > prètsho > prèdzho |
prèts |
prèts |
près > prè |
prètz |
Sainte-Sigolène est aux confins des formes occitanes crotz « croix », potz « puits », notz « noix » et des formes arpitanes crois, pois, nois. La forme crotz reste générale en Velay-est, tandis que la forme pois s’avance jusqu’aux limites de la commune (on a potz à Sainte-Sigolène, mais pois à Saint-Pal et La Séauve), nois a gagné la plus grande partie de l’Yssingelais y compris Sainte-Sigolène ( OI se prononce [ wɛi ] dans notre secteur)
[1] Le Sarde présente une particularité unique dans les langues romanes, c'est qu'un de ses dialectes, le logoudorien à l'intérieur de l’île, n’a pas connu la palatalisation de K, et a centu/kentu [ 'kentu ]. Le sarde présente ainsi plusieurs caractéristiques qui l'isolent des évolutions générales du roman. Une explication pourrait être que l'ile se serait trouvée à une période hors des grands circuits de communication de l'empire, et aurait été ainsi isolée des évolutions du roman continental.
Auteur: Didier Grange - 2014- modifié- 2021 / [ Télécharger l'ouvrage ]
Quelques notions de phonétique articulatoire
Le système vocalique du roman occidental
* Palatalisation de C et de G devant E et I (première palatalisation)
Sonorisation des consonnes intervocaliques sourdes
Palatalisation de C et de G devant A (segonde palatalisation)
Effacement des voyelles finales E et O
Effacement des voyelles posstoniques
Affaiblissement de B intervocalique
Affaiblissement de D intervocalique
Affaiblissement de DH intervocalique
Affaiblissement de G intervocalique
Effacement de N instable en fin de mot
La diphtongaison de È et de Ò en roman I
La diphtongaison de E et de O en roman II
La diphtongaison de È et de Ò en roman III
Formation de U antérieur, fermeture de O ( Ụ )
Le système vocalique sigolénois
Séparation de A antérieur et de A postérieur
Simplification des triphtongues
Effacement des consonnes finales
Consonantification des voyelles
Les articles et pronoms démonstratifs